Seulement dans des livres, comme vous dites. Seulement! Les livres ne peuvent jamais être seulement ; ils peuvent seulement être toujours.
Jeff Noon

17 oct. 2017

"La beauté me semble de tout recréer."

 À l’origine fut la vitesse, le pur mouvement furtif, le « vent-foudre ». 
 Puis le cosmos décéléra, prit consistance et forme, jusqu’aux lenteurs habitables, jusqu’au vivant, jusqu’à vous. 
 Bienvenue à toi, lent homme lié, poussif tresseur des vitesses.


 Si cette citation vous parle, c’est que vous faites partie de ces conquis, ces irréductibles pour qui La Horde du contrevent est sans doute devenu culte.
 Si cette citation ne vous parle pas, sachez qu’il s’agit des premières lignes d’un roman (si comme mon double vous aimez faire sérieux vous pouvez dire l'incipit), devenu culte donc.



 Adapter un roman (au cinéma, au théâtre ou en BD) est déjà un exercice difficile. Un peu comme une première rencontre avec la belle famille. Adapter un roman culte c’est encore pire. C’est la première rencontre avec la belle famille blanche et bigote en étant noire, juive, homosexuelle (femme donc), végétarienne ET fan de sf. Va falloir s’accrocher pour lutter contre les préjugés !


 Eric Henninot s’est donc lancé ce défi là. Et je dois reconnaître qu’il le relève plutôt bien dans ce premier tome.

 Si quelquefois on peut avoir comme une grande idée, celle de cette BD est sans doute d’inclure une préface de Alain Damasio qui explique son point de vue quant à l’histoire de cette adaptation mais surtout, met en mots une idée essentielle :

« De toute façon, on ne juge pas la valeur d’une adaptation à sa fidélité au support original ; on la juge à la qualité de sa trahison. »


 En abordant La Horde de Eric Henninot, je ne me suis pas dit que je lisais la Horde en BD. Je lisais une BD d’aventure et d’imaginaire…qui m’a rappelé un roman que j’avais lu. Alors oui, pour ce premier tome la trahison me semble de qualité. J’ai apprécié la cohérence de ses partis pris, sa vision des paysages, ses plans larges, son interprétation du vent.



 Sa mise en scène est classique, peut être trop, et trop sage à mon goût. Je ne suis pas fan des visages, son dessin n’est pas celui qui m’interpelle. Et pourtant, cela fonctionne quand même, cela a fonctionné sur moi. Il s’est passé quelque chose. L’histoire se tient, on voit qu’il a aimé le roman et c’est ce qui me plaît le plus. J'ai retrouvé l'esprit de la Horde.


 « Nous sommes dans la Horde d’Eric. Pas la vôtre ! Pas la mienne ! » rappelle Alain. C’est on ne peut plus vrai. Mon Oroshi n’est pas comme cela, mon Caracole non plus, mon Sov encore moins, aucun personnage ne ressemble de près ou de loin aux miens (à l’exception peut être de Pietro). Ma Horde n’est pas celle d’Eric. Elle est toujours mienne. Ma Horde dans Ma tête. Comme l’est toujours mon Seigneur des anneaux ou mon Guide du Routard Galactique. Et cela ne m’a pas empêchée d’apprécier celle d’Eric.


 Rendre une oeuvre intouchable, c’est la laisser se dessécher, se figer, c’est la laisser s’éteindre. Les adaptations, réussies ou non, sont autant de dépoussiérage, d’énergie pure qui réveille l’oeuvre et la fait revivre. Que ceux qui ne connaissent pas la Horde n’oublient pas d’être curieux et après avoir lu cette BD, découvrent l’oeuvre originale. Pour les sceptiques, allez-y, rien ne peut contrecarrer la force de votre propre imagination si vous y croyez suffisamment. Vous aimerez ou non, vous serez d’accord ou non, vous serez tentés par la suite ou non. Et pour ceux qui pensent vraiment que la Horde est intouchable et qui veulent la mettre dans un carcan, souvenez-vous de ces mots :

« N’acceptez pas que l’on fixe ni qui vous êtes ni où rester. »


 Bienvenue à toi Eric et à vous, petite nouvelle ou petit nouveau qui mettez un pied dans cet univers, dans notre Horde de voltés, constituée de toutes ces micros hordes.


 Quant à moi, je m’en vais relire un bouquin qu’il y a 12 ans, un certain Mathias mit entre mes mains et que je mis ensuite entre celles de Kiki, d’Amélie, de Fatima, de Myriam, de Blandine et de tant d’autres qui le mirent à leur tour entre les mains de tant d’autres qui à leur tour etc… etc… etc…


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