Seulement dans des livres, comme vous dites. Seulement! Les livres ne peuvent jamais être seulement ; ils peuvent seulement être toujours.
Jeff Noon

29 mai 2015

Pilule rouge ou pilule bleue ?

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  Alice (la seule, l’unique,la vraie) est en vacances chez sa grande tante à Manchester et elle s’ennuie. Ou plutôt, elle se sent « très fatiguée de n’avoir rien faire », ce qui est beaucoup plus élégant, il faut le reconnaître. En plus de cela, elle angoisse légèrement à l’idée de devoir aller suivre le cours de grammaire que sa tante lui donne chaque jour à heure fixe. C’est à ce moment précis et pas à un autre, alors qu’Alice s’ennuie et angoisse mais est toujours aussi curieuse, que le perroquet,adepte de l’enigme, choisit de se barrer de sa cage pour se sauver dans la grosse horloge… d’où il disparaît. Et là, c’est pas comme si Alice n’était pas au courant de ce qui se passe quand on suit une bestiole dans des endroits bizarres! C’est pas comme si ça ne lui était jamais arrivé! Mais nooooooooooooooon pensez-vous! Ni une ni deux, Alice le suit et tombe dans un tunnel. Enfin, ça a beau être une gosse, vous reconnaîtrez qu’elle est pas bien fine cette Alice!

 A partir de là, Alice se lance dans une grande chasse au perroquet et une course aux énigmes, se retrouve suspecte de meurtres par casse-tête (comprenez que le corps de la victime a été remonté pas tout-dans-le-bon-ordre-rendez-à-chaque-partie-ce-qui-revient-à-César) et va croiser toutes sortes de personnages comme des calculateurmites (comprenez des termites qui calculent), un blairomme aléatoirologue (comprenez…non cherchez pas à comprendre, lisez le livre), un boucher de réversion, un limaçomme qui parle… très… très… très…lentement, un certain monsieur Dodgson, des serpents, un chat nommé Quark, et des ellipses… plein d’ellipses…


  Qui dit Jeff Noon, doit dire :
a/ Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii (citation de mon double)
b/ Je le veux, je le veux, je le veux, il est trop géniaaaaaaaaaaaal!
c/ 

d/ non mais t’es ravagé(e) (citation de mon père)

Que ceux qui choisissent la dernière proposition passent leur chemin, la sortie est .


  Alice Automate est l’un des deux textes que  Flammarion avait choisi d’éditer il est un temps que les moins de 20 ans etc…, et que La Volte (étrangement) n’a pas encore réédité. Et le seul que je n’avais pas encore lu car épuisé. Mais mon double ayant commis l’acte inexplicable de passer nuit et jour sur internet jusqu’à m’en trouver un exemplaire (au point de finir par ressembler à une grenouille croisée avec un lapin pris dans les phares) (non je déconne c’était pas si difficile ; d’ailleurs aucun animal n’a été maltraité pendant cette recherche), voilà chose faite.


  Alice Automate se présente comme une suite des aventures d’Alice au pays des merveilles, Alice ayant déjà vu le lapin à défaut d’autre chose (quoique avec une citation comme celle-là…
« Le grand-oncle Mortimer était un drôle de petit bonhomme qui avait toujours une gâterie en réserve pour Alice… »
…on est en droit de se poser la question.) 

  Enfin bref, comme d’habitude, Noon ne se contente pas de « faire comme », il s’empare de la chose, enfin d’Alice, il te remodèle tout ça pour en faire son Alice, et bien sûr, son Manchester des merveilles. Car n’oubliez pas, avec Jeff Noon, la petite cuillère n’existe pas.


  On retrouve dans Alice Automate tous les ingrédients qui font l’originalité, la créativité, la singularité des textes de Noon : les jeux de mots, les situations oniriques voire hallucinatoires, les mondes parallèles, une petite touche de noirceur, et les personnages déglingués et pourtant porteurs d’une certaine cohérence.

« -Je croyais vous avoir dit que j’étais aléatoirologue ? répliqua le blairomme, furieux. Voyons, que ferait un aléatoirologue avec des calculs? Non, non; un aléatoirologue fait des erreurs de calcul et, d’après mes erreurs de calcul, une dune calculateurmite dotée du pouvoir imaginatif d’un seul être humain devrait être aussi grande que l’univers lui-même! »



  De tous les textes de Noon (j’entends ceux édités en français), ce n’est sans doute pas le plus inventif (même si comme je l’ai déjà dit, même le moins bon des Noon commence toujours très, très haut, genre catégorie génial) mais c’est sans doute le plus facile pour entrer dans son monde. Etrangement, même si ce n’est pas son premier roman, Alice Automate se lit un peu comme un guide touristique pour préparer le voyage, un manuel d’utilisation pour pénétrer les secrets nooniens, un sas de contrôle pour vérifier que tout est paré avant d’aller jouer avec des substances dangereuses, un vaccin avant de partir en territoire inconnu… enfin bref, si vous n’avez jamais lu Noon, vous pouvez commencer par celui-là. Et si vous avez déjà lu Noon, ce sera un peu comme lire la genèse, le côté chiant en moins (au moins Noon lui il écrit bien, parce que dieu, c’est pas par sa plume qu’il s’est fait repérer!).

"Seulement dans des livres, comme vous dites. Seulement! Les livres ne peuvent jamais être seulement ; ils peuvent seulement être toujours."





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