Seulement dans des livres, comme vous dites. Seulement! Les livres ne peuvent jamais être seulement ; ils peuvent seulement être toujours.
Jeff Noon

16 juil. 2013

Mais lesbien raisonnable?




  Clémentine est une adolescente comme toutes les autres, jusqu’au jour où son chemin croise celui d’Emma. Et là forcément, il va se passer des choses...


... ou pas tant que ça.

  Editée en 2010, la bande dessinée Le bleu est une couleur chaude m’avait déjà intriguée à l’époque en raison de son sujet. Toutefois, après un survol rapide, le dessin ne m’avait pas accrochée et je n’avais donc pas poursuivi mon investigation. Mais puisque le film qui en est «librement adapté» (très librement d’après ce que j’ai compris) a fait parlé de lui à Cannes, puisqu’une amie l’a lue et l’a aimée et puisque je m’étais dit qu’il faudrait bien un jour que je dépasse mes a priori sur le visuel de la chose, j’ai fait comme Renaud : j’ai réfléchi et je me suis dit que c’était trois bonnes raisons pour me retenter la lecture.


  Résultat : eh bien, parfois, dans la vie, il faut savoir suivre son instinct. Explication d’une «petite» déception.


  L’histoire du Bleu est une couleur chaude est des plus classique : une ado s’interrogeant sur sa sexualité qui rencontre une lesbienne assumée et dont elle va tomber amoureuse. S’en suit bien sûr tous les thèmes récurrents des histoires traitant de la découverte de soi : la honte, l’incompréhension, la peur, l’excitation, le regard des autres, le rejet par les parents, l’acceptation etc... etc... et ce serait mentir de dire que l’auteur, Julie Maroh, ne traite pas ces thèmes avec toute la délicatesse et la pudeur requise. Toutefois, à mon grand regret, elle le fait sans originalité (il avait dû partir en vacances le jour là). Car c’est bien là mon plus gros reproche : rien dans le scénario ne vient enrichir le sujet principal, aucune valeur ajoutée qui permettrait de rendre cette histoire différente de toutes les autres déjà vues et lues sur ce même sujet. 


  Pire, là où cela commence à devenir intéressant, au passage à la vie adulte avec les vicissitudes de la vie en couple, arrive comme une douche froide une belle grosse ellipse qui m’a joyeusement laissée sur ma faim. Et puisqu’on parle de faim, parlons aussi de la fin qui est triste. Bon on s’en doutait puisqu’on commence la BD en apprenant que l’héroïne est morte et toute la lecture nous amène à découvrir comment et pourquoi. Il y a son content d’émotion, de nouveau tous les ingrédients sont là mais malheureusement, je n’ai rien trouvé de transcendant ni de profondément touchant.


  Quant au dessin (élément le plus subjectif d’une bande dessinée), malheureusement, je reste sur mes premières impressions. Non pas que le dessin soit horrible, simplement je n’accroche pas. Mais encore une fois, je dois reprocher à l’auteur son manque d’originalité dans la mise en page. C’est assez convenu et donc très plat. Il y a peut-être deux planches qui sortent un peu des sentiers battus mais sinon pas vraiment de prise de risque.


  Alors pourquoi parler de cette BD puisque visiblement, elle n’est pas parvenu à m’émouvoir? Parce que je reconnais quand même que malgré les défauts que je lui trouve, je comprends qu’elle puisse plaire. D’abord, ça se lit tout seul et c’est loin d’être une épreuve insupportable et insurmontable. Ensuite, Le bleu est une couleur chaude a au moins le mérite d’exister et de traiter de ce sujet qu’il est toujours bon de rappeler régulièrement. Enfin, si en ce qui me concerne j’ai déjà lu plusieurs romans sur ce sujet (et oui, je sais qu’il est difficile de comparer un roman et une bande dessinée) et que je lui préfère des textes comme Le puits de solitude de Radclyffe Hall ou encore, Les oranges ne sont pas les seuls fruits de Winterson pour ne citer que ces deux là, je me dis que si certaines jeunes filles se cherchent, Le bleu est une couleur chaude est un titre supplémentaire dans lequel elles pourront au moins se retrouver.

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11 juil. 2013

Les calmars sont nos amis, on n'y touche plus!


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  Billy Harrow, spécialiste des céphalopodes, anime des visites au Muséum d'Histoire Naturelle de Londres, dont l'Architeuthis dux est la pièce majeure. 
 Lorsque l'animal de huit mètres et son immense cage de verre disparaissent sans aucune effraction, la vie de Billy bascule. Une brigade secrète de la police vient l'interroger et le met bientôt en garde contre la secte des adorateurs du dieu Kraken. Mais ces derniers ne sont pas les seuls à vouloir s'emparer du biologiste : des individus impossibles émergent des profondeurs de Londres et traquent désormais Billy, détenteur malgré lui du secret millénaire de la mythique créature des abysses...


  Pour ceux qui l’ignoreraient, China Miéville est un auteur dont quasiment tous les romans ont reçu au minimum un grand prix littéraire de SF (quasiment, car à l’exception du Roi des Rats, le seul non primé si je ne me trompe, à charge de me corriger au cas où). Et si Monsieur Miéville rafle des Locus et des Arthur C. Clarke en veux-tu en voilà, ce n’est pas pour rien. C’est bien parce qu’il est brillant et inventif; et Kraken est une nouvelle démonstration de son talent.


  Mais attention, tout ce talent a évidemment son revers de médaille. Non, China Miéville n’est pas un auteur pour tout le monde car il a une particularité qui peut dérouter plus d’un lecteur : il fait partie de ces auteurs qui ne donnent aucune clef de compréhension à leur oeuvre (ou très peu).  Miéville ne passe pas trois pages à vous raconter pourquoi dans son monde, tout se passe comme ci ou comme ça. Ce monde vous est livré tel quel et les quelques rares indices de compréhension sont disséminés de ci de là, à charge pour le lecteur de se débrouiller tout seul. De là s’en suit naturellement qu’on accroche ou non. Il n’y a pas vraiment de juste milieu. Mais, en échange, les mondes créés par Miéville laissent une grande place à l’imagination du lecteur et à sa capacité d’interprétation. Alors si vous êtes du genre à aimer qu’on vous prenne par la main pour vous guider, effectivement, China Miéville n’est peut-être pas un auteur pour vous. 


  Kraken ne déroge pas à la règle. Il commence comme un roman policier presque classique : la disparition, a priori impossible, d’une pièce de musée assez imposante d’une salle close. Un roman policier «presque» classique, disais-je car la première touche d’étrange survient avec l’arrivée du trio d’enquêteurs qui sont comme un mélange des men in black et des affaires non classées. On se retrouve alors dans la même situation que le personnage principal, sans bien comprendre ce qui arrive, cherchant à se raccrocher à du concret mais en soupçonnant quelque chose. 


  Lorsque Billy bascule de l’autre côté, il découvre un Londres secret mais pas tant caché que ça, fait de magie, de mythes et de religions et c’est là que se situe l’inventivité de Miéville. S’il reprend des thèmes déjà vus maintes fois, ici principalement la magie, ce n’est pas pour nous pondre un énième Harry Potter déguisé en Gandalf. Non, il aborde ces thèmes avec son imagination complètement débridée et détachée de tout carcan et on a réellement une impression de redécouverte. Ici Londres est une entité vivante, les devins fument des clopes dans des ruelles derrière de vieilles boutiques de sport et lisent l’avenir dans le bitume et les canalisations, la magie se condense dans un ipod, la mer possède sa propre ambassade et se découvrir détenteur d’un pouvoir ne vous transforme absolument pas en super héros. 


  A partir du moment où Billy se retrouve kidnappé, Kraken se déroule non stop en un enchaînement de scènes où l’on va de courses poursuites en découvertes, chaque chapitre voire chaque page étant une nouvelle idée. 


  Si l’on peut dire de Miéville qu’il est brillamment inventif, ce qu’on ne peut  pas dire du tout sur lui par contre, c’est que son écriture soit fluide. Elle ne l’est pas. De là également la capacité du lecteur à rester accroché ou non. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’écrit pas bien mais ses concepts et ses idées sont tellement haut perchés, ses mondes tellement foisonnants et il va toujours tellement loin dans le détail, que lire du Miéville demande à chaque moment une certaine concentration. Pourtant, à ce niveau là, Kraken reste un de ses romans les plus faciles à aborder alors si vous vous sentez prêts pour une première immersion, vous pouvez commencer par Kraken. Et si vous connaissez déjà l’auteur, ne vous attendez pas à quelque chose d’aussi bluffant que The City and The City, mais n’hésitez pas, car Kraken reste toujours d’un aussi bon niveau.


  Et si j’avais un souhait à formuler (en dehors de gagner au loto et d’épouser Jodie Foster mais là, on s’écarte des capacités de Monsieur Miéville) ce serait de le voir s’atteler à l’écriture d’un roman de vampires, de zombies ou de loup garou, juste pour voir et être encore une fois époustouflée, par ce qu’il pourrait trouver sur un sujet maintes fois rabâché.


CITRIQ