Seulement dans des livres, comme vous dites. Seulement! Les livres ne peuvent jamais être seulement ; ils peuvent seulement être toujours.
Jeff Noon

16 juin 2013

C'est bien, faisez tous comme moi . . .


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  Léo Martin, flic de quartier à Santa Clara, Cuba, se voit confier une affaire de contrebande de lunettes de soleil ainsi qu’une affaire de meurtre. Les deux sont forcément liées et les deux lui permettront peut-être de coincer le mafieu du coin. Du moins, c’est ce qu’il voudrait. Mais pour ça, il va falloir qu’il remue un peu la merde dans son quartier.


   La vie est un tango est un roman qui laisse une forte impression sans trop qu’on sache pourquoi. Peut-être parce qu’on se demande comment avec une intrigue aussi basique, Lorenzo Lunar réussit à nous retenir jusqu’au bout du roman (qu’il a judicieusement fait court et écrit à la première personne ce qui donne un bon rythme de lecture). Ou peut-être parce que l’ambiance très marquée du roman laisse facilement son empreinte. Je penche plus pour la deuxième possibilité car La vie est un tango est un roman qui sent bon le rhum, le soleil mais aussi la poussière et la pauvreté. Évasion garantie car en plongeant dans les mésaventures de Léo, on plonge aussi un peu dans la vie d'un quartier et beaucoup dans la vie à Cuba.


  Ambiance et évasion au rendez-vous et pourtant, La vie est un tango ne peut pas donner envie de vivre à Cuba, surtout si vous êtes une femme car ce qui m'a le plus marquée paradoxalement, c'est la condition féminine. Paradoxalement, car ce n'est absolument pas le sujet du livre! Toutefois, les quelques personnages féminins qu’on y croise suffisent à vous dresser un portrait peu enviable! Pour faire rapide, dans ce genre de quartier, une fille n'a pas trente six choix pour mener sa vie. Elle peut devenir pute ou trouver un mari, les deux possibilités ne s'excluant pas l'une l'autre. Ou sinon, partir mais partir loin, très loin.


   L'intrigue policière passe donc rapidement au second plan car on se doute bien vite qu'autre chose se cache derrière cette affaire de lunettes de soleil "tombées du camion" mais, au final, on s'intéresse plus à ce quartier et à sa vie sociale qu'à la résolution de l’enquête (le fameux qui a fait quoi et comment). Si Léo reste le fil conducteur du roman, il est surtout le catalyseur de cette vie sociale, force étant de constater que le personnage principal du roman n’est autre que ce quartier justement, qui prend l'ascendant sur Léo Martin, un quartier où tout le monde connaît tout le monde, les magouilles des uns et les déboires des autres. La vie est un tango est donc, à mon goût, plus un roman noir voire roman social qu'un roman policier.


   Vous l’aurez compris, la force du roman de Lorenzo Lunar c'est un réalisme brute de décoffrage qui exerce pourtant sur le lecteur une sorte de fascination. Si vous vous attendez à du soleil, des scènes d'action menées par un super flic au charme latino dans un décor fait de palmiers et de sable doux, le tout parsemé de belles nanas, effectivement oubliez ce roman. À Santa Clara, visiblement le sable n'est pas doux, le rhum a souvent un goût frelaté et le héros est loin d'être le gendre idéal (Bon, potentiellement, il reste tout de même quelques belles nanas!). Mais si vous cherchez une plongée brutale dans la vie d’un flic de quartier, dans une ambiance moite et étouffante, le tout pour beaucoup moins chère qu’un billet d’avion, c'est bon, préparez-vous un bon cocktail à base de rhum et jetez vous sur La vie est un tango. Vous en ressortirez imprégné de son atmosphère, la fumée de cigare et le bronzage en moins.

(le cigare reste en option pour ceux qui aiment)

Et n'oubliez pas, comme toujours chez les éditions Asphalte, la petite bande son qui va avec.


CITRIQ

4 juin 2013

Faites un voeu . . . et dites Dystopia.



   Lorsque je vous le dirai, vous fermerez les yeux et vous souhaiterez un monde où règnent deux lunes. Vous souhaiterez ce monde dominé par une fédération dont la seule ambition serait de s’étendre en ralliant de nouveaux territoires par la diplomatie ou par la guerre. 


   Vous fermerez les yeux et vous souhaiterez lire l’histoire de cette fédération et des soldats qui ont vécu, se sont battus et sont morts pour elle. Vous souhaiterez cette histoire comme autant de chroniques et de contes relatant ses mythes et ses légendes. Vous souhaiterez que ces contes vous entraînent dans des forêts mystérieuses, au bord de sombres lacs, dans des villes étouffantes et des garnisons glacées, entourés de fantômes, de vampires et de nymphes, d’histoires d’amour et de vengeances, de héros et de lâches.


   Vous fermerez les yeux et vous souhaiterez que ces chroniques se construisent comme un puzzle, chaque pièce autonome s’ajustant aux autres pour dessiner des motifs, tracer un chemin qui vous conduise vers une image finale qui ne se révélera qu’une fois la dernière pièce installée.


   Vous fermerez les yeux et vous souhaiterez un livre regroupant ces histoires, un livre écrit par deux auteurs audacieux à la plume élégante emprunte de poésie, au style envoûtant et impérissable. Vous souhaiterez lire un chef-d’oeuvre, de ceux qui, 50 ou 100 ans plus tard, n’auront pas pris une ride et provoqueront toujours autant d’émotions.


   Vous fermerez les yeux et vous souhaiterez ce livre absolument magnifique, parce que je vous le dis mais surtout parce que vous savez maintenant qu’un tel livre existe, qu’il se nomme Les Soldats de la mer et que grâce à lui, vous comprendrez une fois de plus pourquoi certains textes deviennent des classiques immortels et, grâce à lui, vous vous étonnerez, une fois encore, qu’avec quelques mots, certains peuvent prétendre toucher la perfection.


   Vous fermerez les yeux et vous souhaiterez, car vous savez que cette fois-ci, ce voeu, Yves et Ada Rémy l’ont déjà exaucé. 


   Maintenant, fermez les yeux.



   Et quand vous les rouvrirez, vous vous précipiterez pour vous procurer la réédition des Soldats de la mer chez votre libraire préféré car au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, cela fait deux minutes que j’essaie de vous hypnotiser par écrans interposés sans grand espoir de succès mais si vous pouviez faire un petit effort quand même... Achetez ce livre et vous dormirez du sommeil du juste, soulagés et heureux de savoir que si le père Noël n’existe pas, Yves et Ada Rémy eux, oui.

CITRIQ