Seulement dans des livres, comme vous dites. Seulement! Les livres ne peuvent jamais être seulement ; ils peuvent seulement être toujours.
Jeff Noon

18 nov. 2013

L’eusses-tu Cru sans l’avoir lu?




  Dans un précédent épisode, précédant le précédent du précédent pour remonter à celui d’encore avant, je vous avais déjà dit tout le bien que je pensais d’une petite maison d’édition nommée Dystopia responsable entre autres forfaits de deux petits bijoux (pour ne pas encore répéter au risque déjà produit de le galvauder, le terme de chef-d’oeuvre) estampillés pour l’un Lisa Tuttle (traduite et présentée par Mélanie Fazi) et pour l’autre Yves et Ada Rémy, et encore coupable d’un autre excellent toujours signé Yves et Ada Rémy.


  Et bien, on ne continuera jamais assez (et nonobstant tout autre superlatif) de dire du bien d’eux pour nous proposer Cru, recueil de nouvelles de Luvan, surprenant, désarçonnant à plus d’un titre mais sans contestation possible la révélation d’une auteure qui n’en est pourtant pas à son coup d’essai en terme d’écriture (je vous incite fortement à visiter son site où l’on retrouve de manière ludique son travail aussi divers que varié).


  A la différence de Ainsi naissent les fantômes, Cru n’est pas un recueil de nouvelles à chutes mais tout comme Lisa Tuttle, Luvan possède le don de savoir mettre en exergue les ambiances, le mystère et une certaine noirceur.


  A l’image de sa couverture (encore une réussite de Stéphane Perger), Cru est sombre tout en possédant une certaine luminosité. Il se lit comme on explore une pièce plongée dans le noir, armé seulement d’une lampe torche. On avance à tâtons découvrant les éléments sans trop comprendre où l’on va. Luvan construit en pointillisme. Elle donne l’impression de jeter les éléments par bribes, par morceaux, comme ils viennent. Elle nous lâche et nous égare pour mieux nous récupérer à la fin. Certains abandonneront bien avant cette fin en râlant n’y rien comprendre et c’est dommage pour eux.


  Certaines nouvelles m’ont moi-même perdue au sens où je ne suis pas certaine de les avoir bien comprises (comme Le Tunnel ou Carmilla dont le côté poétique étouffe peut-être un peu l’histoire contée), mais en grande majorité, elles m’ont littéralement enveloppée (comme Le Brise-glace où chaque son semble sortir du livre) voire hypnotisée (comme Moroï ou La Femme Verte). Mon coup de coeur va sans doute possible à deux nouvelles en particulier : Le Pacte, nouvelle sur l’attachement et le sacrifice, et Le Rapt (l’amour n’est-il qu’une question de possession? Non, je ne vous en dirai pas plus), la dernière nouvelle, la plus longue, magnifique qui justifie à elle seule l’achat du recueil.


  Luvan sait parfaitement teinter son écriture de poésie et d’émotions, mais surtout, Luvan possède une écriture sonore : le bruit de la neige, le craquement de la glace, celui d’une cigarette en train de se consumer, le bruit de la nuit, le son d’une respiration rauque, les nouvelles de Luvan s’entendent autant qu’elles se lisent.


  Cru fait partie de ces lectures qui ne s’offrent pas d’elles-mêmes mais qui se méritent. Sa beauté est comme celle de certaines femmes, visible uniquement dans le vécu, dans l’expérience. Un peu comme croiser une femme charmante. Sur le moment, on se dit qu’elle est belle mais c’est lorsqu’on s’arrête réellement, qu’elle se met à bouger, à parler, à sourire, qu’on se rend réellement compte de l’étendue du charme et alors, il est déjà bien trop tard, on est littéralement subjugué.


  Cru est ainsi. Il subjugue. C’est l’un de mes coups de foudre de l’année et chaque relecture me fait l’aimer d’avantage. Car Cru n’est pas un recueil qui se lit mais qui se relit pour qu’ainsi, il prenne toute son ampleur et son emprise sur le lecteur.


  Que dire sinon un merci tonitruant aux éditions Dystopia pour avoir rendu tangible ce recueil dans un objet encore une fois parfait, et bien entendu à Luvan, première responsable et qui fait partie de ces talents qui, dans une recrudescence de littératures cruellement fades et toutes interchangeables, s’incrustent, bousc(r)ulent et prouvent que oser, c’est bien, l’audace c’est encore mieux pour un plaisir toujours accru.



  Incruyable, non? Je vous l’avais dit!



CITRIQ

11 nov. 2013

Nicolas Eymerich et mère Teresa sont dans un bateau. Qui tombe à l'eau?



  Vous l’attendiez avec impatience?... ou pas. Et bien, pour votre gouverne, sachez quand même qu’il est revenu! Oui! Il est de retour pour une nouvelle aventure. Parce qu’il est trop fort pour résoudre les énigmes tordues contenant morts vivants, apparitions hallucinogènes, prophètes en robe de bure persuadés que l’inventeur du savon était un suppôt de Satan et, insectes, insectes et encore des insectes, on fait de nouveau appel à lui pour sauver le monde, enfin celui des bons chrétiens, de tout ce fatras. Lui, il, c’est bien entendu Nicolas Eymerich, le 007 du vatican, qui s’en va foutre un coup de pied au cul de  la fourmilière et se confronter aux alchimistes et aux templiers. Parce que oui, Nicolas «se dresse contre les ennemis de l’ordre et de la foi», et c’est comme ça!


  Cherudek, nouvel épisode dans l’entreprise des éditions La Volte de rééditer et d’éditer les aventures de Nicolas Eymerich, en l’occurrence ici une réédition puisque Cherudek était déjà paru en  2000 chez Rivages, Cherudek donc... oui, je sais vous adorez quand je fais ce genre de phrases à rallonge pleines de donc et de virgules, à tel point que vous ne vous souvenez même plus du début de ladite phrase! Oui, ben même moi je ne m'en souviens plus! Reprenons... Cherudek, donc, fait partie des bons épisodes de notre inénarrable inquisiteur à la perpétuelle mauvaise humeur. D’ailleurs, l’expression «il rit quand il se brûle» a été inventée pour lui. (En fait, historiquement, c’était «il rit quand il brûle les autres» mais avec le temps, c’était plus politiquement correct de changer.)


  Si vous avez lu les précédentes aventures de l’inquisiteur, vous n’aurez aucune surprise. Aucune surprise quant à la construction, toujours en plusieurs lignes de temps qui se rejoignent et d’ailleurs ici, l’époque sans âge de la ville étrange plongée dans une brume perpétuelle prend l’ascendant sur l’époque de l’inquisiteur. Le côté gothique de l’ambiance est très réussi et le mystère entourant les occupants de cette ville venant tous d’époques différentes et n’ayant visiblement aucune idée de comment ils sont arrivés là, plutôt intrigant. Tandis que l’époque de Eymerich, c’est quoi? Bon, ben toujours des soldats qui tuent tout ce qui bouge devant eux, des religieux jamais d’accord entre eux (c’est à se demander comment la religion a pu survivre!) et des paysans qui quand ils ne sont pas brûlés sur un bûcher, meurent de maladies étranges. Et au milieu, on a donc notre super Nicolas qui peut pas faire un pas sans être poursuivi, un peu de compassion quand même, c’est dur la vie d’inquisiteur!


  Aucune surprise non plus quant à l’écriture toujours aussi efficace, classieuse et classique (avec peut-être par-ci par-là quelques petites rides, certes, mais qui rendent le tout... vintage!). A signaler toutefois, qu’avec le temps, chaque aventure de l’inquisiteur devient plus longue ce qui ne sert pas forcément le récit. Cherudek aurait peut-être mérité quelques petites coupes pour lui donner le côté percutant des premières aventures.


  Aucune surprise enfin quant au personnage qui reste fidèle à lui-même. Bon, là pas besoin de vous répéter encore et encore que Nicolas, on lui collerait bien quelques beignes de temps en temps pour lui apprendre le sens de la vie et du reste.


  En conclusion et malgré quelques petits défauts, Cherudek est entièrement dans les barres et répond au cahier des charges «Eymerich». Alors si vous aimez toujours les expéditions moyenâgeuses, les énigmes religieuses et les mauvais caractères (ah! et j’ai failli oublié, les insectes écrasés, il y en a beaucoup dans celui-là... ne lisez pas ce livre pendant le petit déjeuner), Cherudek devrait vous satisfaire. Si l’inquisiteur mal embouché vous a déjà gonflé par le passé, pas la peine de réitérer, il ne vous fera pas changer d’avis. Et si vous n’en avez encore jamais lu, je conseillerai plutôt de commencer par les premiers (les bonnes raisons de commencer sont ).



  Et vous n’avez certainement pas oublié, même si cela fait un petit bout de temps que je ne l’ai pas écrit, à tout moment de la journée, achetez La Volte, La Volte vous le rendra!


CITRIQ

4 nov. 2013

Malavita mais bien avisé.

  

  Giovanni est un repenti. Sous protection du FBI, il fait le désespoir de ses anges gardiens qui, après une nouvelle bourde, doivent le déplacer avec sa famille... en Normandie. Entre barbecue et réparation de la plomberie, la famille Blake va une nouvelle fois tenter de s’intégrer.


  Malavita est l’adaptation d’un roman de Tonino Benacquista qui s’appelle ... ... Malavita! Comme ça, vous n’aurez aucun mal à le trouver en librairie! Parce que oui, forcément je vous recommande fortement ce roman absolument génial qui se lit d’une traite grâce à l’écriture de Tonino, d’une fluidité exemplaire.


  C’est toujours une crainte d’aller voir l’adaptation d’un roman qu’on a adoré, mais là, aucun regret. Alors, je pourrais essayer de trouver mille raisons pour vous convaincre d’aller voir ce film. Je pourrais vous dire que le scenario respecte au mieux l’histoire du roman, qu’il possède cette même langueur du début et surtout cet humour noir qui lie le tout, des scènes purement comiques à celles plus sombres d’un retour à la dure réalité de la vie de repenti. Je pourrais même fouiller, décortiquer chaque moment du film et ainsi vous gâcher la surprise de certaines scènes.



  Je pourrais aussi vous dire que les acteurs sont parfaits, qu’il n’y a rien à redire voire le contraire. Serait-il vraiment nécessaire de vous dire quoique ce soit au sujet de De Niro? Il a si souvent jouer le rôle de mafieux qu’on peut sans exagérer dire qu’il maîtrise. Aucune surprise donc mais au moins aucune mauvaise surprise. Le jeune John D’Leo ne fait aucune fausse note non plus dans le rôle de l’ado à la hauteur de l’héritage familial et excellant dans l’art de la manipulation. Je pourrais aussi vous dire que l’une des excellentes surprises tient à la présence de Dianna Agron, dans le rôle de la fille aînée, parfaite en petite poupée à l’apparente douceur mais capable de foutre la raclée de sa vie à celles ou ceux qui ne la respectent pas.


  Je pourrais vous dire cela et d’ailleurs, je ne m’en suis pas privée, et bien d’autres choses encore. Et pourtant, si je devais ne retenir qu’une seule bonne raison d’aller voir Malavita, je choisirai celle-ci : Michelle Pfeiffer. 



  Tout simplement, et sans conteste, lumineuse ET magnifique (je pourrais peut-être même rajouter éblouissante mais point trop n’en faut!), dans le rôle de l’épouse presque parfaite un brin déjantée, elle éclipse jusqu’à De Niro lui-même.




  Alors n’hésitez pas, Malavita vaut son détour du roman au film ou du film au roman, choisissez votre chemin.

1 nov. 2013

Confiteor Jaume Cabré omnipotenti



Barcelone années cinquante, le jeune Adrià grandit dans un vaste appartement ombreux, entre un père qui veut faire de lui un humaniste polyglotte et une mère qui le destine à une carrière de violoniste virtuose. Brillant, solitaire et docile, le garçon essaie de satisfaire au mieux les ambitions démesurées dont il est dépositaire, jusqu’au jour où il entrevoit la provenance douteuse de la fortune familiale, issue d’un magasin d’antiquités extorquées sans vergogne. Un demi-siècle plus tard, juste avant que sa mémoire ne l’abandonne, Adrià tente de mettre en forme l’histoire familiale dont un violon d’exception, une médaille et un linge de table souillé constituent les tragiques emblèmes. De fait, la révélation progressive ressaisit la funeste histoire européenne et plonge ses racines aux sources du mal. De l’Inquisition à la dictature espagnole et à l’Allemagne nazie, d’Anvers à la Cité du Vatican, vies et destins se répondent pour converger vers Auschwitz-Birkenau, épicentre de l’abjection totale.
Confiteor défie les lois de la narration pour ordonner un chaos magistral et emplir de musique une cathédrale profane. Sara, la femme tant aimée, est la destinataire de cet immense récit relayé par Bernat, l’ami envié et envieux dont la présence éclaire jusqu’à l’instant où s’anéantit toute conscience. Alors le lecteur peut embrasser l’itinéraire d’un enfant sans amour, puis l’affliction d’un adulte sans dieu, aux prises avec le Mal souverain qui, à travers les siècles, dépose en chacun la possibilité de l’inhumain – à quoi répond ici la soif de beauté, de connaissance et de pardon, seuls viatiques, peut-être, pour récuser si peu que ce soit l’enfer sur la terre.


  On ne pouvait quatrième de couverture plus complète et plus tentatrice pour l’un des romans les plus intrigants et les plus audacieux de cette dernière rentrée littéraire. Intrigant par son sujet qui promet une épopée incroyable, audacieux par son mode de narration qui interloque au premier abord (oui j’aime beaucoup ce verbe qu’on n’utilise trop peu en conjugaison directe!) mais aussi peut-être un peu effrayant pour certains en raison de ses quelques 780 pages. Et en plus, croyez-le ou pas, mais de vraies 780 pages bien remplies avec une taille de caractère normale... ... et non, il n’y a pas d’image.


  C’est d’abord avec une grande hésitation que je regardais ce roman ne sachant s’il serait à la hauteur de ses promesses et me demandant si je me sentais le courage de me fader justement ces presque 780 pages pour le savoir. Et puis, une personne dont je commence à cerner les goûts (à savoir très proches des miens), ma cousine perdue retrouvée libraire de son état également (oui, une longue histoire de famille et peut-être nous aussi écrirons-nous bientôt une longue lettre de 800 pages pour vous raconter notre épopée!), cette personne donc, clamait haut et fort à qui voulait bien l’entendre et même à ceux qui ne le voulaient pas, que ce roman était vraiment trop génial! Oui là je vous fais la version courte de son argumentaire parce que sinon, que me reste-t-il alors?! 


  Puis, sur un coup de tête, une folie (j’ignore ce qui me prit ce jour-là! Parfois je fais vraiment des trucs de dingue comme sortir sans écharpe!), je pris le livre en main et regardais la première phrase. Je fais partie de ces lecteurs très sensibles à la première phrase. Et là, c’était foutu. Parce que quand je lis ceci :

«Ce n’est qu’hier soir, alors que je marchais dans les rues trempées de Vallcarca, que j’ai compris que naître dans cette famille avait été une erreur impardonnable.»

je me dis cela : merde, maintenant j’ai vraiment envie de m’enquiller ces 780 pages.


  Et autant dire tout de suite que même si j’ai vécu cette lecture un peu comme un marathon, je n’ai pas regretté un seul instant de m’y être engagée. Un marathon parce que passées les 100 premières pages, on se rend compte de la complexité de ce roman fleuve et surtout du travail sur l’écriture et ce fameux mode de narration. Et au début on se demande : l’auteur va-t-il tenir sur la longueur sans nous lasser ou nous perdre? Ensuite, passées les 200 pages, on se rend compte que la réponse est oui, il tient et en plus, il tiendra jusqu’au bout. Ce qui fait que nous aussi nous devons tenir car plus on avance dans le roman, plus les histoires s’entremêlent, plus les personnages se rajoutent et il faut donc un minimum de concentration mais la récompense est à la hauteur.


  Par son écriture et par son sujet, Confiteor nous transporte littéralement au sein d’une famille cernée par des secrets, secrets qu’Adria, ce jeune garçon surdoué qui grandit sans amour mais comme objet d’ambition pour son père et sa mère, regardera comme autant de boîtes de Pandore. A travers son histoire, il nous raconte celle du violon, du médaillon et du tissu et l’histoire de ces trois objets nous raconte la complexité de celle d’Adria. Chacune fait miroir pour les autres. Ce qui explique et justifie ce mode de narration si particulier, oui j’y viens de suite. S’il y a un narrateur principal, Adria, d’autres vont venir s’entremêler, sans prévenir et sans transition, au milieu d’un paragraphe ou d’un dialogue. Jaume Cabré change subtilement et avec une parfaite maîtrise de personnages et donc d’histoire, littéralement en cours de phrase. Déconcertant donc, au premier abord, mais on s’y fait assez rapidement car le lien entre les évènements passés et leur répercussion, voire répétition, dans la vie d’Adria apparaissent petit à petit. 


  Comme tout roman fleuve et saga familiale, Confiteor foisonne de moments de vie mais aussi et surtout d’idées, de pensées, de souvenirs d’enfants, de sensations et d’émotions qui nous emmènent de l’amour (l’histoire contrariée d’Adria et de Sara) à la haine, de l’amitié (indestructible semble-t-il entre Adria et Bernat, l’éternel insatisfait, mais non pas infaillible) à l’éloignement, de la vengeance au pardon, de la mémoire à l’oubli, et puis, encore et toujours, l’obsession, particulièrement celle du collectionneur. Ce désir de posséder un objet, objet qui prend toute sa valeur non pas uniquement par son histoire ou sa rareté, mais aussi par le désir qu’il suscite chez l’acquéreur.


  La plume de Jaume Cabré frôle la perfection à mon goût, car sans tomber dans le "m’as-tu vu comme j’écrit trop bien", il nous fait ressentir les ambiances, celle des forêts où l’on a l’impression d’être aux côtés du jeune homme qui apprend à faire résonner les troncs d’arbre, à les écouter, à les sentir et les toucher pour savoir lequel sera l’élu pour devenir le meilleur des instruments; celle du bureau du père d’Adria empli de manuscrit et où il se glisse enfant derrière le canapé devenu sa cabane et où il écoute les conversations interdites; celle d’une promenade hivernale en pleine nuit dans un cimetière; celle des monastères froids et isolés; celle des camps de concentration...


  Confiteor et Jaume Cabré tiennent leurs promesses, celle d’être un roman qui sort du lot fade et répétitif d’une rentrée littéraire éternellement identique mais surtout, celle de donner à son lecteur la sensation de ne plus être le même entre le moment où il ouvre ce roman et celui où il le refermera... ... et même sans aucun doute, longtemps après.


  «La dague lança un éclat dans la faible lumière avant de s’enfoncer dans son âme. La flamme de sa chandelle s’éteignit et il ne vit ni ne vécut plus rien. Plus rien. Il ne put dire où suis-je car, déjà, il n’était plus nulle part.»



P.S. : quant à vous, amateurs/trices de La Volte, vous aurez en plus joie et bonheur en croisant dans Confiteor un personnage bien connu de nos services de détection de haute Voltée, à savoir Nicolas Eymerich, l’inquisiteur. Et, oui, vous aurez confirmation, encore une fois, que définitivement, c’était un gros con. 


CITRIQ

7 oct. 2013

La chance sourit à ceux qu'elle veut.


  Texas, 1964. Après l’assassinat de leur mère, Elliott et Clarence ont passé le plus clair de leur adolescence dans des maisons de correction et autres établissements pénitentiaires pour mineurs. Le jour où Earl Sheridan, un psychopathe de la pire espèce, les prend en otage pour échapper à la prison et à la condamnation à mort, les deux adolescents se retrouvent embarqués dans un périple douloureux et meurtrier. Alors que Sheridan sème la terreur dans les petites villes américaines bien tranquilles qui jalonnent leur route, une sanglante et terrible partie se met en place entre les trois protagonistes. Loin de se douter de la complexité de celle-ci, les policiers, lancés à leurs trousses, et en particulier l’inspecteur Cassidy, ne sont pas au bout de leurs surprises.



   Après tout ce que nous a déjà servi R.J. Ellory dans ses précédents romans, autant dire que les nouveaux seront toujours très attendus (un peu comme Noël, les soldes, le dernier album de Daft Punk/Mylène Farmer, rayez la mention inutile ou remplacez par la votre). Et quoi qu’on en dise dans notre société actuelle qui veut tout, toujours plus vite et maintenant, en littérature (et certainement ailleurs sans doute), l’attente est la première étape du plaisir de lecture (un peu comme des préliminaires, oui). 


«A environ vingt-cinq ans, Carole Kempner avait fréquenté assez d’hommes pour ne plus connaître autre chose que la déception.»


   Avec Ellory, de déception, il n’y en a point eu. C’est simple, c’est maîtrisé, c’est plié. Et dès le premier chapitre, il annonce la couleur : du noir, 100% et pour amener tout ça, une bonne dose de misère humaine en terreau. Ça vous donne deux frères apparemment inséparables qui depuis leur naissance se débattent contre une poisse indécrottable qui les fait toujours se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Alors quand on commence dans la vie avec des casseroles comme celles qu’ils se traînent, il faut une volonté en béton pour continuer d’avancer mais surtout pour pouvoir faire les bons choix. Et puisque la vie, ce n’est pas le destin mais ce qu’on en fait (enfin si l’on en croit Sarah Connor), tout ne se réduit-il qu’à une simple question de choix? 


«Elle avait un jour entendu ce vieux dicton : «Une coïncidence, c’est quand Dieu souhaite rester anonyme.» Peut-être que ça marchait aussi avec le diable.»


   Encore une fois, Ellory pose sur son récit une écriture en apparence froide et distanciée mais qui en fait, ne nous épargne rien de la réalité ni de la brutalité de tels évènements. Car il ne se contente pas de nous décrire par le menu le parcours sanglant des personnages. D’un côté, il nous fait entrer dans la tête du trio de personnages principaux, en nous faisant suivre le cheminement de leurs pensées, l’évolution de leur caractère qui les amènent vers ces choix, bon ou mauvais; de l’autre, il décrypte la vie de ceux qui seront amenés à croiser leur chemin et à en devenir les victimes.


   Par ce procédé, Ellory réduit la distance que l’on voudrait toujours maintenir avec les personnages de tueur (réels ou de fiction), une distance en quelque sorte salvatrice lorsqu’on les appelle monstres ou fous, simplement pour les mettre à part de nous-mêmes, genre c’est pas pareil parce que c’est différent. Ellory sort aussi la victime de cette étiquette de victime, quelque peu anonyme et interchangeable. La victime redevient ainsi une personne à part entière avec son identité et toute son histoire passée et à venir, cette histoire qui sera coupée en pleine ascension. 


   Avec Mauvaise Etoile, R.J. Ellory revient aux sources du roman noir en toute simplicité mais avec une réelle efficacité. Parfois oppressant, le récit est construit dans un crescendo parfait qui nous entraîne vers une fin que l’on pense inéluctable. Et on a beau connaître la recette, on a beau avoir déjà goûté à de nombreuses reprises de ce plat, quand il est préparé par un grand chef étoilé, on prend toujours un plaisir sans fin à le déguster.


   Pour conclure, que dire d’autre sinon qu’en matière de roman noir, il y a ceux qui essaient et il y a ceux qui maîtrisent. A bon entendeur.




CITRIQ

23 sept. 2013

A force de faire les choses, le hasard ferait mieux de rester chez lui.




   Eduardo est peintre. Il aurait pu être un très grand peintre mais il se contente désormais, lorsqu’il n’est pas complètement saoul ou abruti par ses antidépresseurs, de réaliser des portraits sur demande. Car Eduardo a fait 13 ans de prison pour avoir tué l’homme responsable de la mort de sa femme et de sa fille dans un accident de voiture.

  Lorsque sa galeriste lui transmet un nouveau contrat, il n’est d’abord pas très enthousiaste à l’idée d’accepter. En effet, une artiste connue lui demande de réaliser le portrait de l’homme qui a tué son fils dans un accident de voiture et qui vient d’être remis en liberté.

   Mais Eduardo sent se tisser un lien avec cette femme qui connaît la même souffrance que lui, sans savoir qu’il vient de prendre un chemin tortueux qui le mènera à croiser d’autres destins, d’autres souffrances à travers une trame hasardeuse qui les relie tous.


   Le nouveau roman de Victor Del Árbol était plutôt attendu. Du moins, par ceux qui avaient lu son premier, La Tristesse du Samouraï, et aussi par ceux qui n’ont pas lu celui-ci mais qui ont une amie l’ayant lu et ayant o combien rabâcher le fait que c’était «juste magnifique». Vous l’aurez peut-être compris, je me situe dans la deuxième catégorie. Du coup, n’ayant toujours pas lu La Tristesse du Samouraï (vous comprenez, des choses à faire, des gens à voir, d'autres romans à lire!), j’étais curieuse de voir ce que donnerait le nouveau.


   Et bien avant toute chose et encore une fois, il convient de préciser que : ami de la dépression, ce livre n’est peut-être pas fait pour toi. (D’ailleurs, puisqu’on en parle, ami de la dépression, peut-être que tu devrais arrêter de fréquenter ce blog car ici, dépressif ou pas, on aime souvent les textes sombres voire très sombres.)


   Bref!


  Le destin (!?! Non je déconne, c’est le hasard!) a voulu que, peu de temps après avoir fini ce roman, je vois une série télé (Touch) dont le concept repose sur l’idée que certaines personnes sont reliées entre elles par un fil invisible, une sorte de destin commun avec effet papillon. Et bien étrangement, c’est la base même du roman de Victor Del Árbol. La comparaison s’arrêtera là.


   Bien qu’il soit paru en Actes Sud noirs, La Maison des Chagrins n’est pas un roman policier mais plutôt un roman noir. Ne vous attendez donc pas à une quelconque enquête ou un quelconque effet de suspens, il n’y aura aucun des deux. 


  Et puisqu’on parle de Actes Sud, il faudrait qu’on m’explique comment on passe de ça :



à ce titre foireux La Maison des Chagrins. Parce que du chagrin, ok, mais de maison, que nenni! Mais bon, passons, les voies de l’édition sont souvent impénétrables!


   La Maison des Chagrins est un roman choral. Vous connaissez le principe : plein de personnages qui a priori ne se connaissent pas et qui finissent tôt ou tard par se croiser (et pas forcément dans la même maison, enfin je dis ça...). De ce point de vue là, le roman est idéalement conçu. Peut-être trop idéalement. Victor Del Árbol pousse tellement loin cet effet de construction, qu’on finit par se dire qu’effectivement, la vie possède un sens de l’humour assez particulier. 


  Les personnages sont variés avec une psychologie assez approfondie et pourtant ils sont tous construit de manière identique : chacun est une sorte de cabossé de la vie qui va découvrir peu à peu que la vérité n’est jamais que celle que l’on veut bien prendre comme telle; tous sont dévorés par un désir de vengeance et c’est cette volonté de vengeance qui finira par tous les relier et qui permettra à l’histoire de prendre toute son ampleur car au final, tous sont à la fois victime et bourreau. 


«N’avons-nous pas tous un monstre en nous? Qui attend le bon moment pour se débarrasser de cette fausse peau qui le dissimule.»


   Victor Del Árbol aborde ainsi la question de savoir jusqu’où peut-on pousser son désir de vengeance. Et lorsqu’il disparaît, laisse-t-il autre chose qu’un vide si profond que rien ne peut venir le combler?


«A quoi sert la douleur, si on ne peut la partager avec celui qui te l’inflige? Je ne suis pas là pour pardonner, Eduardo. J’ai besoin de comprendre, et j’ai besoin de haïr.»


   Victor Del Árbol déroule son histoire avec une écriture simple, sans envolée lyrique mais parsemée par-ci par-là de petites fulgurances. 


«Cette femme parlait par les yeux, et ses brefs battements de paupières étaient autant de points et de virgules.»


   Ainsi, on pourrait croire que j’ai adoré ce livre ou tout au moins beaucoup aimé. Et pourtant...Il s’avère que d’un point de vue «clinique», strictement professionnel («l’oeil du libraire»), j’arrive à voir, je sais même, que ce roman est bon, bien construit, bien écrit, bref, maîtrisé de bout en bout. Mais je dois dire que je n’ai été touchée par aucun personnage, aucun ne m’a émue, rien, pas une goutte d’empathie. Et quand on doit vraiment chercher longtemps pour trouver ce qu’on pourrait dire sur un roman, ce n’est généralement pas bon signe. Toutefois, il s’avère également que dernièrement, La Maison des Chagrins n’est pas le seul roman a avoir eu cet effet sur moi ou devrais-je dire à n’avoir eu aucun effet sur moi alors que tous les ingrédients étaient là pour que je puisse l’aimer. 


   Alors quoi? Et bien rien. Eh, oui, je vais juste lâchement vous laisser vous démerder avec ça! 


CITRIQ

2 sept. 2013

The eye of the chicken.




 Margarita : un paradis caribéen pour touristes européens. Edeltraud Kreutzer, originaire de Düsseldorf, se rend sur cette île pour comprendre les circonstances de la mort de son fils, Wolfgang, retrouvé noyé sur la plage où il tenait un bar. Perdue dans cet environnement radicalement étranger, elle fait appel à José Alberto Benítez, un avocat local qui va l'aider dans ses démarches. Leurs recherches mettront au jour une autre île, bien éloignée des hôtels all-inclusive : la Margarita de la jungle bureaucratique, des passe-droits en tout genre, mais aussi celle des combats de coqs qui ont tant fasciné Wolfgang..


  Avertissement préliminaire pour vous faire gagner beaucoup de temps : si vous êtes dépressif et que vous trouvez que la vie en générale et la vôtre en particulier manque singulièrement de sens de l’humour et d’à propos, ne lisez pas ce livre qui ne fera que vous confirmer que toutes les chansons vantant le mérite des pays ensoleillés et que soit disant l’herbe est plus verte au soleil ou autres conneries du genre, c’est du flan! Au soleil, l’herbe, elle grille.


  Si en revanche, vous êtes adeptes du voyage hors zones touristiques, si vous êtes du genre à chercher le contact du véritable autochtone, si vous aimez découvrir le vrai visage du pays visité et si pour vous les cartes postales font partie des légendes urbaines, alors ce livre est potentiellement fait pour vous.


  Tout ça pour vous dire que L’île invisible, c’est beau, mais c’est pas joyeux (en fait c’est Francisco Suniaga donc rien à voir avec Blanche Neige, aucun lien... je sais, elle est très mauvaise mais j’avais quand même envie de la faire!)


  Avec L’île invisible, les éditions Asphalte ajoute un titre à leur catalogue de romans à ambiance hyper réaliste. Souvenez-vous, c’était déjà le cas de La vie est un tango de Lorenzo Lunar, et tout comme La vie est un tango, L’île invisible ouvre l’emballage, le packaging spécial office du tourisme pour vous montrer ce qu’il y a au delà.


  Dans L’île invisible, c’est une mère en quête de réponses qui débarque sur Margarita et non une touriste en quête de soleil et autres activités commençant par la lettre s. A ce titre, le roman de Francisco Suniaga nous offre le très beau portrait d’une mère qui espère, qui veut pouvoir trouver une raison d’accepter la disparition de son fils. Et cette volonté inaltérable va se retrouver confrontée au choc des cultures. 


  Car sur l’île de Margarita, tout se passe à un rythme différent, un rythme qui lui est propre et auquel le nouvel arrivant doit s’adapter. En effet, ce qui paraît agréable et dépaysant à vivre pendant deux semaines de vacances, semble complètement différent voire perturbant à expérimenter au quotidien.


  L’île invisible possède ce même rythme dans sa lecture, tout en lenteur, en perception, en émotion et sensation (même la playlist, n’oubliez pas cette petite marque de fabrique des éditions Asphalte, est ainsi). Lire L’île invisible, c’est s’installer dedans comme on s’installe dans un hamac, bien calé au fond, un petit verre de rhum à portée de main, et se laisser envelopper, presque bercer par cette quasi langueur, oubliant la vie effrénée qui, elle, s’active tout autour. Par conséquent, les amateurs de romans cadencés ne s’y retrouveront certainement pas. 


  Le personnage de la mère aurait toutefois mérité d’être développé. Rapidement, c’est l’avocat qui devient le personnage principal et toute l’enquête (si l’on peut vraiment parler d’enquête) passe par lui. C’est un des points faibles du roman, il me semble, car l’avocat n’est pas le personnage le plus intéressant. D’ailleurs, les passages entre lui et un de ses amis tournant autour d’une discussion sans fin au sujet d’un rêve, sont les seuls moments à m’avoir un peu déroutée et limite ennuyée.


  Heureusement, survient le journal intime du fils et c’est ce qui m’a permis de ne pas décrocher. On y découvre son initiation aux combats de coqs et surtout la passion et l’addiction qu’ils vont provoquer chez lui.  Si ce monde peut paraître violent et/ou choquant aux yeux d’un européen, il peut aussi engendrer une sorte de fascination étrange. 


  Bilan mitigé donc pour la lecture de L’île invisible qui possède certes quelques défauts (une écriture parfois trop empesée...les fameux passages au sujet du rêve de l’avocat) mais qui nous fait aussi croiser des personnages touchants (le triangle de la mère, du fils et de la belle-fille) dans un milieu dépaysant. Ces moments-là compensent plus que largement les précédents et pour eux, L’île invisible mérite amplement la lecture.

Parution le 12 septembre.


CITRIQ

31 août 2013

Envie de pop-corn ?




  2154. Comme il se doit, les humains ont tout salopé la Terre : pollution, famine, surpopulation... Les riches sont très riches et les pauvres sont très pauvres. Du coup, pas cons, les riches se sont construit une sorte d'arche de Noé, une station spatiale très sélect toute belle et toute proprette, bien visible depuis la Terre, histoire de rappeler aux pauvres qui sont les patrons.

  Depuis qu'il est enfant, Max fait comme les autres enfants : il rêve qu'un jour, il pourra aller sur Elysium. Devenu adulte, il est surtout voleur de voiture en probation. À la suite d'un incident, il n'a plus que 5 jours à vivre, 5 jours pour trouver un moyen d'aller sur Elysium car il n'y a que la-haut qu'il pourra être soigné.


  Qui dit Jodie Foster, dit film que je dois voir. Qui dit Jodie Foster + Neill Blomkamp (réalisateur et co-scénariste de District 9 que j'avais adoré, et qui ré-endosse la double casquette pour Elysium) dit film que je dois Absolument voir. 


  Elysium et District 9 ont beaucoup en commun: par la mise en scène, la photographie et certaines thématiques. On retrouve dans les deux les bidonvilles, le clivage des classes sociales, le héros qui sera amener à choisir son destin. Blomkamp aiment toujours autant les scènes d’action tournées caméras à l’épaule alternées avec de larges plans panoramiques des décors (qui sont juste magnifiques cela dit en passant) histoire de se reposer les yeux.



  Le résultat est bon parce que tout s’intègre bien : les effets spéciaux juste ce qu'il faut pour soutenir l'histoire et non l'inverse, une histoire donc, simple et efficace, sans fioriture, des décors comme je l’ai dit magnifiques (de beauté : Elysium, ou de réalisme : le bidonville, l’usine) et des acteurs de bons à parfaits (oui, là je vais dire quelques mots sur Jodie).


  Donc la meilleure : Jodie Foster, toujours aussi parfaite (c'est limite agaçant). Elle endosse une nouvelle fois (comme dans Inside Man) le rôle de la salope froide, ici une politicienne qui ne craint rien tant qu’il s’agit de protéger son sanctuaire, pas même de prendre des décisions disons, brutales (genre liquidez-moi ces réfugiés avant qu'ils n'arrivent à nos portes) le tout en buvant son café.



  Bref, comme disait Pépin, l'histoire est bonne, elle respecte les codes du genre. Ce qui fait d'Elysium, non pas un film transcendant qui marquera votre vie par la force de son sujet ou son originalité, mais un très bon film de SF qui a la bonne idée de ne pas être trop long et qui a surtout l'intelligence de ne pas prétendre à autre chose que cela.

13 août 2013

Le vol à destination d’Ailleurs, bientôt disponible.


L’Archipel du Rêve.

Des centaines d’îles éparpillées entre le Continent Septentrional et Sudmaieure. Des milliers. Des centaines de milliers. A cause du phénomène des gradients temporels, personne ne sait, aucune carte ne peut être tracée.
Sur les Aubracs sévit un insecte mortel, redouté.
Sur Collago, le secret de l’immortalité a été découvert, mais le traitement n’est pas à la portée de toutes les bourses. 
Sur Tremm, interdite aux civils, des explosions retentissent chaque nuit...
Même dans la zone de neutralité que représente l’Archipel, certains conflits demeurent...

Avec Les Insulaires, Christopher Priest nous invite à explorer certaines îles de l’Archipel du Rêve, nous faisant découvrir leurs mystères, leurs principales attractions touristiques et artistiques. Cependant, il se pourrait bien qu’un meurtre énigmatique, voire plusieurs, se cachent dans les pages de cet atypique guide touristique.



  Vous n’êtes pas parti en vacances faute de moyens, faute d’envie, faute d’autre chose qui ne regarde que vous, alors Les Insulaires est le livre qu’il vous faut.


  Vous êtes parti en vacances mais c’est comme si vous n’étiez pas parti car cela s’est révélé aussi foireux qu’un rencard organisé, alors Les Insulaires est le livre qu’il vous faut.


  Vous êtes parti en vacances et c’était tellement bien que l’idée de revenir vous excite autant qu’un rendez-vous chez le dentiste, alors Les Insulaires est le livre qu’il vous faut. (Si vous faites partie de la catégorie de personne qu’un rendez-vous chez le dentiste excite, pas de problème, Les Insulaires est aussi le livre qu’il vous faut!)


  Bref, vous l’aurez compris, d’où que vous veniez et où que vous alliez, quelque soit le sens de votre vie et du reste, Les Insulaires est le livre qu’il vous faut en cette fin de vacances, période qui coïncide bizarrement avec le début de la rentrée.


 Véritablement conçu comme un guide touristique, Les Insulaires vous emmènera de nouveau au sein de l’Archipel du Rêve. De nouveau, car Christopher Priest avait déjà écrit un recueil de nouvelles sur l’Archipel, judicieusement intitulé L’Archipel du Rêve. Cohérence quand tu nous tiens! Ce sera peut-être un premier voyage si vous n’avez pas lu ce précédent, et ce n’est pas grave car nul besoin de connaître l’Archipel pour pénétrer l’Archipel! 


  Cette fois-ci, Priest dresse un inventaire non exhaustif d’une cinquantaine d’îles en nous donnant moult détails sur le climat, le relief, la faune et la flore autochtones comme tout bon guide touristique, mais aussi en les racontant  par le biais des évènements s’y étant déroulés et des personnages y ayant vécus. Un évènement en particulier, un meurtre, va créer par ses causes et ses conséquences des ramifications dans les autres histoires et relier le destin de plusieurs personnages, comme un fil conducteur, une toile qui s’étend sur toute l’Archipel.


  Ni roman, ni recueil de nouvelles, Les Insulaires en surprendra plus d’un de par cette construction. Certaines histoires ont la touche de dépaysement d’une carte postale, d’autres recèlent une certaine poésie, et presque toutes possèdent une pointe de mystère inquiétant, effet assez typique du fantastique à la Priest. L'auteur souffle le chaud et le froid dans l’enchaînement de ces histoires et quand vous voudriez en savoir plus, il tranche à vif ce suspens créé pour vous emmener complètement ailleurs. Au final, on se rend compte combien on se fait balader, car Les Insulaires se lit justement comme une visite guidée où vous ne choisissez pas votre chemin, où votre impatience d’en découvrir plus est bridée pour mieux être rassasiée au moment où le guide le choisit. Car Christopher Priest  est un guide averti qui maîtrise sa promenade et on lui laisse les rênes avec plaisir.


  Son écriture fluide exerce une nouvelle fois sa magie car une fois entamée la lecture, on se laisse porter tout du long sans se rendre compte du temps qui passe et des 400 pages qui défilent.


 On finit ce roman avec une certaine mélancolie, peut-être même un petit coup de blues, justement comme un retour de vacances mais l’avantage des Insulaires sur les vacances, c’est qu’on peut le relire de suite! 


  Les Insulaires n’est sans doute pas le meilleur roman de Priest, du moins pas à mon goût (Le Prestige et Le Monde Inverti restant mes préférés à ce jour), mais il se positionne pas très loin derrière, je dois le reconnaître.


  Il est apparemment conseillé de lire La Fontaine pétrifiante et L’Archipel du Rêve avant Les Insulaires car ils forment un triptyque. Je ne l’ai pas fait et même si la lecture des trois apporte certainement une force supplémentaire à chacun des livres, la non lecture de L’Archipel et de La Fontaine ne gêne pas la compréhension des Insulaires. Mais à vous de voir.


  Et si vous n’avez jamais lu de Christopher Priest du tout et que vous choisissez Les Insulaires pour commencer (choix au combien audacieux), il vous démontrera cette capacité étrange (et un peu magique) de l’auteur britannique à vous transporter sans aucun effort. Il fait des Insulaires ce que j’aime appeler un «livre à voyager» car où que vous soyez, c’est lui qui vous emmène ailleurs.


CITRIQ