Seulement dans des livres, comme vous dites. Seulement! Les livres ne peuvent jamais être seulement ; ils peuvent seulement être toujours.
Jeff Noon

23 oct. 2012

Enig'matique Marcheur, fantas'matique roman.


  
 Dans la vie d’un lecteur, il y a les romans anecdotiques et les bons romans.

 Il y a les bons romans et les chefs-d’oeuvre.

 Et il y a les chefs-d’oeuvre et les romans qui vous marquent à jamais.




  Cette histoire se passe longtemps après une guerre atomique, le Grand Boum, alors que l’humanité a régressé pour revenir à l’âge de fer, vivant en clans et ayant pour tout gouvernement une troupe itinérante usant de marionnettes pour transmettre l’Histoire au travers de contes et de légendes.


  Cette histoire est celle d’Enig, 12 ans, qui se retrouve soudainement sur les routes, entraîné par une meute de chiens sauvages sur les traces du savoir d’antan.


  Voici son récit, raconté dans la langue de ce futur : le parlénigm.



  Amis de la fin du monde, RE-bonjour! Et oui, que voulez-vous, la thématique est de saison!


  Alors comme ça, a priori, on pourrait croire «encore une histoire de monde post apocalyptique» et quelque part, soyons honnêtes, oui. Un jeune garçon lancé sur les routes d’un monde détruit, à la recherche de secrets pouvant remettre l’humanité sur les rails de la modernité, se voit embringué dans des intrigues qui le dépassent. Il y a même quelque chose du roman initiatique avec le passage à l’âge adulte du jeune garçon qui apprend à devenir un homme, à faire des choix et à vivre avec les conséquences. Touchant, Enig porte à lui seul toute l’histoire du roman et sa puissance d’évocation est telle que l’ambiance pluvieuse de cette Angleterre dévastée vous colle à la peau.


  Si ce n’était que cela, ce ne serait qu’un bon roman parmi tant d’autres. Mais, Enig Marcheur est bien plus qu’un bon roman. Il a cela de différent : il fait certainement partie du petit nombre de romans incontournables. Pourquoi? me direz-vous. Qu’est-ce qui transforme une histoire toute simple en pur chef-d’oeuvre? Et bien ceci :


  Ce livre est un concept à lui tout seul, une expérience littéraire comme il y en a trop peu. Lire Enig Marcheur relève de l’aventure, du défi, de la claque littéraire, de l’essorage de neurones, du trouble intellectuel, appelez cela comme vous voulez. Ce qui différencie Enig Marcheur du reste, c’est son langage, le parlénigm.


  Lorsque vous ouvrirez ce livre, vous aurez l’impression de ne rien comprendre. Toutefois, pas la peine de tomber sur votre libraire en hurlant au livre défectueux! (je dis ça parce que ça m’est déjà arrivé avec un autre livre et la dame n’a jamais voulu comprendre qu’il s’agissait d’un effet de style!).


  Les langues ne sont pas figées dans le temps, elles évoluent, absorbent de nouvelles expressions et en délaissent d’autres. Russell Hoban a exploité cette idée et a créé la langue de ce futur ravagé et régressif. Le sens des mots s’est déplacé, leur sonorité et leur structure se sont déconstruites puis reconstruites pour donner des phrases contenant plusieurs niveaux de compréhension suivant si vous lisez à haute voix ou non. A l’image des secrets cachés dans les légendes contées de génération en génération du roman, les mots révèlent des sens différents et pourtant toujours en lien avec le sens global de la phrase et plus généralement du récit.


  Ainsi, un ami devient «un âme mi», la mémoire «l’amer moir», la sensation «l’ascensation».


  Il convient d’ailleurs de saluer comme il se doit le travail du traducteur. Titanesque et sans aucun doute prise de tête, il atteint un tel niveau qu’on ne peut que le qualifier d’excellent.


  Enig Marcheur finit presque par se décrypter tel un palimpseste. On finit par n’avoir qu’une envie, le relire pour découvrir ce qui se cache derrière, ce qui nous a échappé la première fois. Car ne vous attendez pas à tout comprendre du premier coup. Les 30 premières pages seront déstabilisantes mais ensuite, se mettra en place un rythme de lecture. Et c’est ce qui rend ce texte addictif. Une fois passé le premier choc, on n'arrive plus à décrocher.


 Brillant, étonnant, prodigieux et époustouflant, Enig Marcheur demande pourtant à son lecteur un effort. Lorsque vous commencerez, vous aurez l’impression d’être brutalement plongé dans une culture étrangère mais que pourtant vous semblez connaître. Un peu comme un français lâché au Québec. Vous avez bien l’impression de parler la même langue mais allez savoir pourquoi, vous ne comprenez pas tout ce qu’on vous raconte! Enig Marcheur relève un peu du même challenge.


  Et quel challenge! Car non seulement Enig Marcheur mérite sa pastille triple J, Jubilatoire Juste Jénialissime, mais il imposera également un nouveau point fixe dans votre chronologie personnelle. Il y aura un avant et un après Enig Marcheur.


  Si vous avez aimé La Horde du Contrevent et La Maison des Feuilles, et si de manière générale vous aimez être surpris par vos lectures, alors vous adorerez Enig Marcheur.


  Il fait partie des chefs-d’oeuvre marquant de la littérature, de cette catégorie de romans qui nous font dire pendant un long moment après les avoir finis «je ne suis pas sûr de réussir à lire autre chose», et il transcende les genres. Pas besoin d’être lecteur de ci ou lecteur de ça, il suffit d’être un lecteur curieux. On ne remerciera jamais assez les éditions Monsieur Toussaint Louverture pour nous offrir enfin en français cette future icône littéraire.


«Ce cas été laisse des trass pour ce qui sera. Les mots dans l’ésert laiss des imprim dans le sol pour quon y mette nos pieds. Peu dêtre que dans 100 ans les môm chante rond une comptine avec Enig Marcheur...»


CITRIQ

15 oct. 2012

Matin, midi, soir . . . et le reste du temps 3


  Et tout ça à cause de Mélanie Fazi et Nébal. Je devrais arrêter d'écouter des gens intéressants!






  Et sinon, allez savoir pourquoi, il dit qu'il voit pas le rapport, mais en écoutant cet album, une série télé m'est soudainement revenue en tête :





  Sans doute l'ambiance lynchienne dont parlait Mélanie Fazi. 

  Et voilà! Maintenant, vous êtes obligés d'aller sur le site de Liesa Van der Aa pour écouter/voir/se prendre une claque. Et aussi sur le site du Cargo pour plein d'autres choses dont des photos et des sessions acoustiques. Et après, vous serez obligés d'aller acheter l'album. Fuck la taxe d'habitation!

14 oct. 2012

A force de jouer avec les miroirs, va t’arriver des bricoles Alice!




  Descendre en marche est le récit d’un voyage. Celui de Marlène et de ses compagnons, sillonnant les routes d’Angleterre à la recherche des éclats d’un miroir brisé, miroir peut-être magique. Car l’humanité est frappée par une mystérieuse maladie, la rendant petit à petit incapable de décrypter les informations qui l’entourent. Des panneaux indicateurs, en passant par les livres et la musique jusqu’aux reflets dans une glace, tout devient incompréhensible ou monstrueux, tout devient bruits et parasites. 
Le miroir aurait-il le pouvoir de sauver l’humanité?

«Si vous lisez cette phrase, c’est que vous êtes en vie.»


  Amis de la fin du monde, bonjour!! Et oui, il fallait bien que Jeff Noon amène sa petite pierre à l’édifice et quelle pierre! Car Jeff Noon ne fait rien comme tout le monde. Bon, il aurait pu faire un truc du genre «oh la la, y a une grave maladie qui rectifie l’humanité (encore la faute des français tout ça avec leurs essais nucléaires à la con), vite allons chercher les américains pour nous sauver et enfin vivre dans un monde en paix où tout le monde s’aime»... mais non. Noon est au dessus de ça, Noon est britannique et rappelons juste comme ça que les britanniques sont responsables entre autres choses d’un seigneur passionné de joaillerie et d’un docteur passionné par les problèmes temporels. Bon, ils sont aussi responsables du cricket et du fish and chips mais bon, là n’est pas le propos, on s’écarte du sujet!


  Alors, Jeff Noon est d’abord allé nous chercher cette idée de maladie empêchant de décrypter les informations, concept difficile à se représenter au début mais dont les conséquences nous sont rapidement expliquées. La maladie agissant autant sur notre faculté de comprendre ce qui nous entoure que sur les relations humaines, elle se conclue inévitablement par un repli sur soi dans la folie mais surtout dans une solitude complète.


  Ensuite, même si on flotte dans une ambiance fin du monde, on échappe pour une fois aux descriptions de guerre ou autres scènes apocalyptiques. Si la maladie décime l’humanité, elle le fait à un rythme suffisamment lent (grâce à une drogue nommée Lucidité qui en retarde les effets) et la civilisation ne se trouve pas encore réduite à rien. Sur la route du personnage, on trouve toujours des scènes de vie sociale quasi normales comme la scène sur le front de mer avec les manèges et autres attractions, et finalement c’est ce qui façonne vraiment l’ambiance mélancolique du livre. Marlène vit ces évènements en sachant que c’est à chaque fois la dernière. Car la maladie progresse, elle le sent et perd peu à peu sa volonté de lutter contre. Et c’est ça la force de Descendre en marche (et peut-être aussi sa faiblesse car ceux qui n’aiment pas les romans à ambiance ne s’y retrouveront pas), cette mélancolie, cette sensation d’abandon et de résignation.


  Non pas que Descendre en marche soit complètement désespérant (toutefois, dépressifs s’abstenir!) mais plutôt chargé d’une certaine tristesse qui vous accompagne une fois le livre terminé.


  La scène qui m’a le plus touchée est celle dans le musée des Choses Fragiles et en particulier la bibliothèque où les livres s’effacent à mesure qu’ils sont lus. Les mots s’impriment dans la mémoire du lecteur et disparaissent du papier. L’idée que certaines oeuvres puissent disparaître à jamais est assez effrayante mais celle que ce serait la mémoire individuelle et non collective qui puisse les faire survivre, assez poétique. 


  On se détache assez vite de l'envie de connaître les origines de la maladie. Plus on avance dans le roman , plus on se rend compte que ce n’est pas tant la solution au problème qui nous intéresse (car s’il y en a une, on ne le saura pas) que comment le personnage vit cette situation. On ne cherchera pas à savoir si l’humanité guérira. Peu importe. 


  En fait, ce qui devient tout de suite fascinant, c’est le parcours de Marlène tant physique que émotionnel. Le parcours d’une mère qui a perdu son enfant et qui a trouvé un nouvel objectif lui donnant une raison de lutter contre la maladie chaque jour. Mais que se passe-t-il quand cette raison s’essouffle?


  A la fois road novel et roman à ambiance, tout en lenteur et en émotions, (et attention, lenteur ne signifiant pas mollesse ni ennui), Descendre en marche fait partie de ces textes dans lesquels on s’installe avec un certain confort et à l’image de Dernière nuit à Montréal ou encore de Cartographie des nuages et Elliot du néant, un roman dont on a du mal à sortir complètement.


  Même si on retrouve quelques scènes hallucinatoires qui sont une des marques de fabrique de l’auteur britannique, Descendre en marche est beaucoup plus épuré que d’habitude chez Jeff Noon. Lui qui, justement, nous avait habitués à des histoires beaucoup plus déjantées, livre ici sans aucun doute son roman le plus abordable pour l’instant parmi ceux déjà traduits en français.


  Ce ne sera pas mon préféré de Noon mais c’est un roman de plus pour me confirmer à quel point j’adore cet auteur. Lisez Descendre en marche et vous trouverez une bonne raison de l’adorer avec moi.


  Et à qui on doit ça? Comme de coutume, n’oubliez jamais : achetez La Volte, La Volte vous le rendra.


P.S. : si vous voulez découvrir un peu plus du monde déjanté, poétique et incroyablement imaginatif de Jeff Noon, les éditions La Volte ont eu l’excellente idée de mettre un site à disposition de vos yeux ébahis. Et par la même occasion, ils en ont profité pour refaire intégralement le leur. Plein de choses à voir, à lire et à entendre et plein d’endroits où aller... Allez, avouez que vous êtes conquis!





CITRIQ

1 oct. 2012

Le jour de la marmotte . . .

 Il y a des jours où tout semble se coordonner à la perfection!

La vidéo :



Destiny from Bellecour 3D on Vimeo.

et pour ceux qui aiment être trop super bien habillés en toutes circonstances, le tee-shirt qui va avec :


de mon fournisseur officiel de tee-shirt, le génialissime T-shirt store!

Dieu gît dans le détail 2

Juste magnifique! Et à chacun son détail!!



Epoch from Anthony Scott Burns on Vimeo.